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Passage à l’électrique : que vont devenir les stations-services ? 

La promesse d’un avenir sans carburant force les exploitants de stations-services à penser leur transformation. Bornes électriques, hub de mobilité, e-carburants, multiplication des services … Chacun cherche la bonne formule pour rester rentable.

“On a pris un peu de retard”, mais « l’objectif des 100 000 bornes devrait être atteint au deuxième trimestre 2023 », a promis la ministre Olivia Grégoire lors d’un débat sur la voiture électrique au Sénat, le 8 février dernier. Elle réaffirmait ainsi l’objectif fixé par Emmanuel Macron en 2020, censé être atteint l’année suivante. Si le rythme n’est pour l’instant pas tenu (72 000 sont déjà déployées), les bornes de recharge devraient inévitablement se multiplier sur le territoire en même temps que le marché de l’électrique. Et à terme, rendre désuètes les traditionnelles stations-services et leurs pompes à essence. 

Ces dernières sont aujourd’hui 11 000 sur tout le territoire français, dont les activités principales – la vente de carburant, le contrôle des niveaux ou les vidanges –  devraient disparaître dans les décennies à venir avec l’interdiction de la vente de véhicules thermiques. Celle-ci sera en théorie imposée par la Commission européenne dès 2035, pour les véhicules particuliers. Les exploitants l’ont compris, les stations-services devront donc se réinventer rapidement pour ne pas disparaître complètement. Une transformation qui devrait graviter autour de l’implantation des bornes de recharge, dont le réseau est déjà en pleine expansion. 

Les centres-villes et le réseau routier, terrain fertile pour les bornes de recharge

En ville, l’installation de bornes devrait d’ores et déjà s’intensifier en même temps que les zones à faible émission (ZFE). On observe déjà un nombre grandissant de “mini stations”, c’est-à-dire de bornes rapides adossées aux commerces ou aux lieux de parking publics ou privés. 

Alors qu’une centaine de stations essence seulement subsistent dans Paris intra-muros, le réseau public de recharge Bélib, opéré par Total Marketing France (TMF), compte à lui seul 430 bornes dans la métropole. C’est sans compter les nombreuses bornes privées installées par les copropriétés ou les entreprises au pied des immeubles. La pratique est encouragée par leur faible prix (il faut compter entre 500 et 2000 euros), ainsi que par le crédit d’impôt de 300 euros et la réduction de TVA qui accompagnent le dispositif. 

Alors que les centres-villes étaient devenus un milieu hostile pour les stations-services, ils sont donc désormais un terrain plus que favorable au développement du réseau de recharge. D’abord parce que l’installation d’une borne est très peu contraignante logistiquement : elles peuvent être installées n’importe où avec l’accord du propriétaire et un accès au réseau électrique. Mais aussi parce que le temps de recharge, que l’on peut considérer au moins dix fois plus long qu’un plein de carburant effectué en quelques minutes, nécessite de densifier énormément l’offre pour répondre à la demande des conducteurs de voitures électriques. 

En-dehors des villes, l’autonomie moindre des voitures électriques, en termes de kilomètres parcourus sur un “plein” d’énergie, nécessitera aussi un plus grand nombre de points de recharge en zone périurbaine et sur le réseau autoroutier. Les stations traditionnelles devraient ainsi vivre l’arrivée de la borne comme une opportunité de redynamiser le secteur. À condition de faire leur mue 2.0. 

Bornes, biocarburants, coworking… Les entreprises testent différentes formules 

Plusieurs opérateurs explorent déjà les formules possibles pour leurs futures stations 100% électriques. Pour se réinventer et être rentables, l’idée d’un “hub de mobilités” qui proposerait plusieurs options de transport (voitures libres services, de vélos et de scooters électriques) commence à émerger. 

En France, TotalEnergie teste depuis 2021 sa première station entièrement dédiée aux véhicules électriques, située à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine. Pour occuper l’automobiliste qui recharge sa batterie, l’entreprise veut multiplier l’offre de services. Hormis le classique café-échoppe, un espace de coworking a ainsi remplacé les rayons d’huiles et de lubrifiants. Au Royaume-Uni, le britannique Gridserve ouvre quant à lui des stations 2.0 équipées d’une offre de restauration et de divertissement (journaux, librairie), et même d’un service postal. Le pompiste lui, dont la profession avait plutôt tendance à s’éteindre, est remis au cœur de l’activité de la station-service, pour aider les automobilistes à choisir la bonne borne, la bonne puissance. 

Proposer plusieurs tarifs en fonction de la puissance de recharge est aussi une piste pour rentabiliser le remplacement du carburant par l’électricité. La station de TotalEnergie dispose ainsi de deux puissances de charge (50 KW et 175 KW). Car selon les données de l’exploitant pétrolier britannique BP transmises à Reuters, si les bornes de recharge rapides permettent de se rapprocher de la marge sur le carburant (environ 17 centimes le gallon, soit 4 litres), la marge effectuée sur les  recharges électriques reste pour l’instant moins beaucoup rentable (0,4 centime par kWh). 

Dernière option, étudiée activement par la Métropole du Grand-Paris : l’implantation dans les stations-services de la capitale des e-carburants, comme l’hydrogène et le Gaz Naturel pour Véhicule (GNV), qui pourraient venir compléter l’offre des stations 2.0. Selon l’Atelier d’urbanisme parisien (Apur), 222 des 402 stations-essence de la métropole parisienne sont d’ores et déjà “identifiées comme mutables, et pourraient accueillir de nouvelles énergies telles que le GNV/BioGNV ou l’hydrogène”. Les autres demanderaient des aménagements supplémentaires. Passées de 45 000 en 1980 à 11 000 en 2020, les stations françaises en déclin pourraient finalement bénéficier de toutes ces nouvelles options.