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Accompagner la transition

Comment faciliter la transition des auto-écoles vers l’électrique ?

Elles ne pourront pas y échapper, et certaines ont même déjà commencé à se préparer : les autos-écoles doivent elles-aussi se plier à l’électrification du parc automobile français. Mais il est primordial de mieux les accompagner dans cette transition.

Elles sont associées à quantité de souvenirs – qu’ils soient bons ou mauvais – et de légendes urbaines. Chose tout à fait normale, vous en conviendrez, car elles représentent un point de passage obligatoire pour tout individu qui souhaite se mettre derrière un volant en toute légalité. Les auto-écoles vont elles-aussi devoir opérer de drastiques changements pour se plier aux exigences du Parlement Européen. Exigences qui, faut-il le rappeler, visent à interdire l’immatriculation – mais pas  la circulation – de nouveaux véhicules thermiques, d’ici 2035. Selon l’auto-école en ligne Ornikar, il existerait entre 12 000 et 12 700 établissements en France, faisant passer l’examen du permis de conduire à près de 1,5 millions de personnes chaque année – un chiffre en baisse par rapport à 2015, où il s’élevait à 1,9 millions -, pour un peu plus d’1 million de permis délivrés, dont 847 000 de catégorie B.

Une nécessité d’aides financières

La possibilité de faire ses heures de conduite sur un véhicule électrique commence à fleurir dans quelques établissements dès la seconde moitié des années 2010, mais c’est en 2021 que va s’opérer un tournant. ECF, réseau phare de l’apprentissage de la conduite en France, avec une flotte de 2000 véhicules, s’engage à passer au tout électrique d’ici 2026 en deux étapes : jusqu’à 2022, le remplacement de toutes ses automobiles diesel par leur équivalent essence. Ensuite, une électrification progressive de la motorisation. Un projet réalisé main dans la main avec Renault, le constructeur proposant une version auto-école de sa Zoé R110 en location longue durée de 36 mois, pour 510 € HT/mois. Un prix à comparer à celui de la Clio V TCE90, qui est de 400 euros par mois. Un poids financier supplémentaire qui ne représente peut-être pas la même contrainte pour ECF que pour une agence indépendante, à fortiori dans ces temps d’augmentation des coûts de l’énergie. Une aide financière à la transition s’annonce nécessaire.

D’autant plus qu’il ne faut pas oublier qu’un véhicule électrique nécessite aussi de penser à installer une, ou même plusieurs, bornes de recharge. Un véhicule d’auto-école réalisant plusieurs tournées chaque jour, on est en droit d’estimer qu’une recharge rapide, permise par une borne DC en courant continu supérieur à 43Kw, serait l’idéal pour ne pas chambouler le planning d’une journée. Des bornes coûtant entre 10 et 50 000 euros par modèle, représentant là-aussi un investissement important. Soit entre 20 et 100 000 euros si l’agence souhaite mettre en place deux bornes. Depuis juillet 2022, les primes ADVENIR s’ouvrent aux professionnels des services de l’automobile, supportant l’ouverture de 4000 points de recharge supplémentaires – y compris pour les auto-écoles. Avec un taux d’aide de 60% maximum, c’est entre 2100€ HT (pour un point de recharge de moins de 11Kw) et 18 000€ HT (pour un point de recharge de plus de 140kw) qui seront amortis par cette association en partenariat avec le syndicat patronal Mobilians.  Pour l’instant, il ne semble pas déborder d’aides publiques visant à favoriser cette coûteuse transition, mise à part un bonus à la conversion de 10 000 euros pour le remplacement d’un véhicule thermique vers un véhicule électrique, et ce depuis 2017.

Mais faciliter la transition des auto-écoles vers un apprentissage décarboné ne passera pas seulement par une intervention économique de l’État Français. Il faut aussi une intervention juridique. Lorsqu’il est effectué sur un véhicule électrique, l’apprentissage de la conduite permet l’obtention d’un permis BEA – pour Permis B, Embrayage Automatique. Logique, puisque les boîtes manuelles sont réservées aux moteurs à diesel ou essence, alors que les moteurs électriques doivent se contenter d’une boîte automatique, bien plus facile à maîtriser. Problème, les permis BEA ne forment pas à la conduite sur boîte manuelle – et ne l’autorisent de toute façon pas. Depuis 2017, il est nécessaire de passer une formation de conversion, permettant l’obtention d’un permis B “classique”, d’une durée de 7 heures. Une formation se “débloquant” trois mois après l’obtention du permis BEA – avant 2017, elle était de douze mois. Devant la relative difficultée de s’offrir une voiture électrique comme premier véhicule une fois le sésame rose en poche, ne serait-il pas intéressant pour les clients des auto-écoles de réduire encore un peu plus ce délai ? Nombre d’auto-écoles proposent en effet un supplément, généralement autour de cinq-cent euros, pour ce faire.

D’autres facteurs de prise de conscience

Enfin, il existe de nombreuses raisons qui devraient pousser les auto-écoles à se renseigner sur la transition de leur flotte vers des véhicules électriques. On peut par exemple penser aux coûts d’entretiens moins élevés – ce qui effraie quelque peu les garagistes -, aux économies de carburant grâce au frein moteur régénératif, ainsi qu’une formation plus courte, moins chère et donc plus compétitive à l’heure où de nouveaux acteurs tendent à faire diminuer les coûts d’obtention du permis de conduire. Acteurs essentiels de l’automobile en France car associés le plus souvent – du moins, on l’espère ! – aux premières sensations de conduite, les auto-écoles ont elles-aussi un rôle important à jouer quant au verdissement des transports en France.

En effet, l’apprentissage “traditionnel” de la conduite, sur véhicule thermique, est lui aussi une source de pollution atmosphérique. Si l’on s’intéresse aux véhicules les plus utilisés pour cet apprentissage, on se rend compte que, cocorico, les constructeurs français sont les plus représentés parmi les 69 000 unités de la flotte (selon des chiffres de 2016). Un marché dominé par Renault (6210 nouvelles immatriculations en 2017, source : https://www.tribune-auto-ecoles.fr/), Peugeot (6012) et Citroën (3975). Majoritairement composée de petites citadines telles que la Renault Clio ou la Peugeot 208, rejetant en moyenne 89 grammes de Co2 par kilomètre parcouru, il n’existe pas d’études chiffrées sur l’impact environnemental de cette escadre de double-commandes. Mais on peut imaginer qu’au regard d’un poids légèrement plus élevé (1275 kilogrammes pour une Clio 5 en configuration auto-école contre 1175 pour son homologue VP) et d’une conduite essentiellement en ville et parfois… hasardeuse, les émissions ne sont pas négligeables.