Comme nous l’avons vu l’article sur l’évolution des compétences des garagistes, les garagistes verront leurs habitudes ainsi que la quasi-totalité de leur profession chamboulées. Mis à part le fait qu’elles reposent toutes deux sur quatre roues et qu’elles embarquent au moins un passager, voitures à essence et électrique ne partagent en effet que très peu de points communs. L’une des premières craintes des garagistes est donc le fait qu’ils devront réapprendre leur profession. Ils devront en premier lieu se rendre dans des organismes de formation continue tels que le CNFCE. Ces centres leur permettent de se conformer à de nombreuses normes relatives à la sécurité électrique, principal facteur de risque quant à la manipulation de batterie allant de 400 à 800 volts. La simple évocation de ces risques de brûlures ou d’électrisation peut suffire à effrayer certains réparateurs.
Afin de respecter la norme UTE C18-550, selon laquelle « l’employeur est dans l’obligation de remettre une habilitation électrique à tout son personnel non électricien qui doit intervenir à proximité d’une installation électrique », les garagistes devront aussi se doter d’un stock complet d’outillage respectant les normes NF EN 60900 / CE 16090, selon laquelle les outils doivent être testés soit sur courant alternatif à 1000 volts, soit sur courant continu à 1500 volts.
Enfin, ils devront aussi mettre à niveau leur atelier afin de recevoir des véhicules électriques en toute tranquillité et en toute optimisation. Toutes ces procédures, formations et achats de nouveaux matériels ont un coût non négligeable – qui ne sera peut-être pas comblé si facilement.
Profession déjà fragilisée par une baisse de fréquentation des garages dûe aux différents confinements, ainsi que par le fait que les automobiles récentes tombent en moyenne en panne aux alentours de 250 000 kilomètres – contre 100 000 pour les plus anciennes -, les garagistes regardent d’un mauvais oeil l’arrivée massive de voitures électriques dans le parc automobile français.
Car les véhicules électriques seront globalement plus fiables que les thermiques.
Ils comptent cinq à dix fois moins de pièces que leurs homologues thermiques et ont d’autant moins de risques d’avoir des composants défectueux. Et donc, fatalement, moins de risques de tomber en panne. Certaines zones stratégiques, comme le moteur ou les freins, demanderont une maintenance moindre, plus espacée dans le temps et plus rapide à traiter. D’autres incontournables des moteurs thermiques, comme les vidanges d’huiles, seront quant à eux totalement absents. On est même en droit de nous demander quel sera l’impact sur les contrôles techniques, qui devront eux-aussi se plier à ces changements drastiques du parc automobile français.
Ces derniers entraîneront non seulement une baisse de fréquentation des garages et autres services après-vente, mais aussi une diminution du temps de travail. En 2036 – soit un an après l’interdiction d’immatriculation des véhicules à essence -, une étude de l’ANFA (Association nationale pour la formation automobile) prévoit trois évolutions.
- Une diminution des heures de SAV de 160 000 (en 2020) à 140 000 (en 2036, si la part de véhicules électriques en circulation est de 30%, car n’oublions pas que les véhicules thermiques auront encore droit d’usage).
- Une baisse prévisionnelle d’entre 100 et 1700 emplois par année, selon l’ANFA
- Une réduction près de 20% du chiffre d’affaire de l’après-vente (de 14 milliards à 11 milliards en 2036, si la part de véhicules électriques en circulation est de 30%).
On peut imaginer que certains devront mettre la clef sous la porte, mais l’impact est à nuancer. Il faut d’abord opérer une séparation entre concessionnaires et indépendants. Alors que les premiers devront faire face à une diminution de leur activité de 6 à 19% à l’horizon 2036, à cause de la mise en circulation croissante de véhicules électriques dont l’entretien sera fait en priorité au sein du réseau du constructeur, les seconds devront continuer à accueillir les flux de véhicules thermiques, à fortiori dans les zones où ils restent majoritaires.
Il existe aussi d’autres motifs d’espoirs vis-à-vis de ce changement de paradigme. La mobilité électrique peut faire naître de nombreux emplois subsidiaires, notamment dans la maintenance et la fabrication des batteries ou des bornes de recharge, susceptibles d’attirer un nouveau public. Les garages auront aussi besoin d’embaucher une main d’œuvre disposant de nouvelles qualifications, pouvant faire naître de nouvelles formations et de nouvelles branches de CAP, Bac Professionnels ou BTS.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il reste douze ans aux garagistes pour se préparer au passage à l’électrique, et que ce dernier ne sera pas soudain. Il restera bon nombre de moteurs thermiques en circulation. Douze ans pour se former, pour mettre à jour son atelier, s’équiper en outillage et en bornes… Le rétrofit est aussi une possibilité à explorer, tant dans les véhicules personnels que dans les utilitaires. Autant de raisons qui prouvent que même s’il est amené à drastiquement évoluer dans les années qui suivent, le métier de garagiste ne risque pas de disparaître.