L’implantation grandissante de la voiture électrique en France (12% en Europe en 2022) bouscule le marché automobile, des constructeurs aux distributeurs, jusqu’aux habitudes des acheteurs. Pierre Gerfaux, responsable du secteur automobile chez Publicis Sapient, analyse les nouvelles attentes auxquelles doivent faire face les marques et les concessionnaires, et propose des stratégies pour y répondre.
L’arrivée de la voiture électrique semble ébranler le marché traditionnel de l’automobile et forcer les acteurs à s’adapter. Quelles sont les forces à l’œuvre ?
“Le secteur de l’automobile est assimilable à un groupe s’organisant autour de quelques titans industriels. Depuis 100 ans, la technologie utilisée est grossièrement la même, et des constructeurs très puissants et très intégrés verticalement y règnent en maitres. Avec un peu moins de 3.000 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, l’automobile mondiale équivaut au PIB de la sixième puissance mondiale. Mais ces titans sont désormais ébranlés à une vitesse exceptionnelle sur l’échelle de l’histoire automobile.
D’abord parce que la façon dont est conçue la mobilité individuelle se transforme profondément. Une voiture n’est utilisée que 10% de son temps de vie et la société a pris conscience que la mobilité individuelle est une des sources de pollution qui participe au réchauffement climatique. En France, les transports sont la première source de pollution, et les voitures individuelles représentent ⅙ de la contribution du pays au réchauffement climatique. On sait aussi que la technologie traditionnelle avec un moteur thermique est très peu efficace avec un rendement énergétique d’environ 30% seulement. L’électrisation des véhicules répond en partie à ces problématiques.
Les consommateurs deviennent sensibles à ces enjeux climatiques profonds, et les habitudes changent. Les plus jeunes se tournent progressivement vers le partage et la technologie ouvre la porte à des stratégies de déplacement multimodales plus efficaces. On note aussi que les jeunes passent de moins en moins leur permis de conduire ou repoussent le plus possible ce qui est perçu comme une contrainte. Et surtout, le législateur en Europe s’est emparé du sujet et impose des règles drastiques à l’industrie, comme l’obligation de la neutralité carbone pour les émissions produites par les voitures neuves à partir de 2035. Le cycle du moteur thermique s’éteint progressivement sous l’effet de la technologie et de changements sociétaux importants.
Que cela change-t-il concrètement pour les concessionnaires dans la manière de vendre une voiture ?
L’arrivée de la voiture électrique est une révolution tout aussi importante pour les concessionnaires que pour les clients. Tout d’abord, il faut se former sur la technologie pour répondre aux questions et surtout aux craintes des futurs clients. Au-delà du produit en lui-même, il faut maintenant que le vendeur intègre la problématique de la recharge et de son accessibilité qui reste une appréhension forte pour les néophytes. D’autre part, il y a une forme de standardisation du produit sur les paramètres mécaniques qui étaient auparavant au cœur de la décision d’achat (essence ou diesel, puissance, boite de vitesse, etc.) En effet, il n’y a rien de plus similaire à un moteur électrique qu’un autre moteur électrique. Les concessionnaires (comme les constructeurs) doivent se différencier différemment.
Selon vous, quelle marge de manœuvre ont les acteurs de l’automobile pour attirer un consommateur vers l’achat de telle ou telle voiture électrique ?
S’il y a un domaine où constructeurs et concessionnaires peuvent se différencier et où il y a d’énormes marges de progression, c’est l’expérience client. C’est un élément où l’industrie est clairement à la traine et qui souffre de plus en plus de la comparaison avec d’autres industries qui ont fait leur pivot vers le digital il y a déjà longtemps. En effet, un client vient de moins en moins en concession et tout parcours client commence généralement en ligne avec une recherche d’information et une configuration produit sur le site du constructeur. Il y a un enjeu énorme a réussir à faire le lien entre le monde physique et le monde digital.
A la décharge de l’industrie, l’équation est plus compliquée qu’ailleurs avec une diversité d’acteurs importante dans la chaine de distribution, une complexité produit élevée, un système productif peu flexible et des enjeux financiers significatifs. Le client est toutefois en droit d’attendre une expérience sans couture mêlant expérience physique, digitale et où il n’aurait pas à se répéter à chaque fois qu’il change d’interlocuteur. Il y a, entre autres, un problème de partage d’information au sein de la chaine de distribution aujourd’hui.
C’est là, notamment, que Publicis Sapient peut intervenir en construisant et en implémentant les solutions technologiques qui orchestreront une vraie expérience « omnicanale » pour les clients, les concessionnaires et les constructeurs.
Quelles autres solutions proposez-vous pour développer cette stratégie ?
Le deuxième élément sur lequel les constructeurs et les distributeurs peuvent se différencier est l’offre de services qui accompagne la voiture. Que la voiture soit vendue, louée ou en leasing, il y a un fort enjeu de pouvoir aller au-delà des services classiques et de proposer de nouveaux services à haute valeur ajoutée pour les clients. La connectivité grandissante des voitures autorise un grand niveau de créativité et les constructeurs comptent sur ces nouvelles sources de revenus pour compenser une diminution attendue des revenus en provenance de l’après-vente liée au passage a l’électrique.
Chez Publicis Sapient, nous aidons nos clients à imaginer ces nouveaux services et à développer de nouveaux business. Le dernier exemple en date concerne un service de mise en relation entre particuliers pour la recharge des véhicules électriques que nous venons de lancer pour un constructeur. Nous avons d’autres services en préparation pour lesquels nous nous appuyons sur des « Digital Service Factories » qui utilisent le modèle d’organisation SPEED (Strategy, Product, Engineering, Experience, Data) qui fait le succès de Publicis Sapient a travers le monde.
Publicis Sapient sera à Drive to Zero du 5 au 7 avril, au Grand Palais Éphémère à Paris. Rencontrez-les pour en savoir plus sur leurs solutions.