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Produire autrement

La voiture à hydrogène peut-elle devenir plus qu’un rêve d’ingénieur ?

Faire de l’hydrogène, élément le plus commun de l’univers, un “carburant” vert pour nos voitures ne date pas d’hier. Une entreprise qui, pourtant, se heurte à de nombreuses limites qui empêchent peut-être d’y voir une solution miracle pour les véhicules personnels.

Dans l’optique de se conformer aux directives du Parlement Européen visant à interdire l’immatriculation des véhicules thermiques d’ici 2035 – et donc, de limiter au maximum leur circulation -, on parle à juste titre du moteur électrique, amené à devenir le moyen de propulsion majoritaire dans les années à venir. Cependant, il existe bien d’autres alternatives, tels que le gaz naturel, le biométhane, ainsi que divers biocarburants tels que l’éthanol, le biodiesel et l’éthyltertiobutylether. Pourtant, l’une d’entre elles occupe depuis de nombreuses années déjà les cerveaux des ingénieurs et constructeurs les plus réputés : l’élément chimique de numéro atomique 1 et de symbole H, l’hydrogène.

Une alternative à la voiture électrique ?

Représentant 75% de la masse de l’univers et 92% de ses atomes, trouvé en grande partie au sein des étoiles, nébuleuses et autres galaxies, l’hydrogène est pourtant rare sur Terre. il ne compose en effet que 0,22 % des atomes de la croûte terrestre et 0,55 ppm des gaz atmosphériques. Découvert par les expérimentations du savant anglais Henry Cavendish en 1766 – qui le nomme alors “air inflammable » -, l’hydrogène, 11 fois plus léger que l’air respirable, a longtemps été associé au gaz des aérostats et autres ballons dirigeables. L’idée d’en faire un combustible pour alimenter les moteurs a cependant toujours existé. En 1799, par exemple, le savant Français Philippe Lebon réalise un « gaz d’hydrogène » à partir de bois, dont on estime la composition de dihydrogène à 50%. D’après les résultats de son expérience, celle-ci pourra générer une énergie applicable à toutes les machines. en 1970, on doit à un ingénieur Français, Paul Dieges, la (re)découverte du moteur à hydrogène afin d’en faire une alternative plausible au diesel et à l’essence. Son fonctionnement est simplissime : stocké sous pression dans les réservoirs dédiés du véhicule, l’hydrogène s’associe au dioxygène (O2) de l’air ambiant pour former du dihydrogène (H2) qui alimente la pile à combustible, donnant naissance à une réaction électrochimique. Celle-ci produit de la chaleur et de la vapeur d’eau (H2O), qui s’échappe sous forme de gaz par un petit tube d’échappement, ainsi que de l’électricité qui va alimenter le moteur électrique du véhicule, sans émission de gaz polluants.

Pourtant, près de cinquante ans plus tard, force est de constater qu’avec seulement quatorze immatriculations en France en 2021, l’hydrogène tarde à se faire une place dans le parc automobile français. En premier lieu, on peut mettre en cause l’offre de voitures à pile à hydrogène sur le marché mondial. Seuls deux modèles, la Toyota Mirai – une berline – et le Hyundai Nexo – un SUV -, étaient disponibles en France au début de l’année 2022. Ce choix très limité, cumulé avec des prix qui ne débutent pas à moins de 80 000€ sans option, constitue déjà un frein non négligeable. Soit le prix d’un Audi e-tron Sportback 50, deux fois celui de la Citroën ë-C4, ou même dix fois celui d’une Citroën AMI ! Le constructeur français Hopium prévoit de sortir dès 2025 sa première automobile sportive fonctionnant à l’hydrogène, mais là aussi, l’ardoise est salée : 120 000 euros.

Plus d’inconvénients que d’avantages

Deuxième inconvénient, qui explique en partie le manque d’offre : la taille de la pile à combustible. L’hydrogène ne pouvant être stocké que sous trois formes, le stockage à base d’hydrures sous forme solide, le stockage à très basse température sous forme liquide et le stockage à haute pression sous forme gazeuse, il a fallu faire un choix – c’est cette dernière solution qui fut retenue. Vous pouvez en stocker jusqu’à 5 kilogrammes dans un réservoir de 125 litres, ce qui vous offre une autonomie de 500 à 600 kilomètres avec un plein. 125 litres, c’est cependant conséquent, d’autant plus que ça ne compose qu’une petite partie du moteur. L’hydrogène coûtant une dizaine d’euros au kilo, un plein vous reviendrait à une cinquantaine d’euros – la même que pour un plein d’essence “classique”.

Troisième problème, et non des moindres : l’hydrogène ne se distribue pas aussi facilement que l’essence ou l’électricité. Plébiscitée aujourd’hui, car permettant, si associée à d’autres sources d’énergies propres telles que l’éolien ou le solaire, de produire un carburant sans aucune émission, l’électrolyse de l’eau pour en obtenir de l’hydrogène nécessite l’implantation de stations spécialisées. On en compte environ 300 dans le monde, dont une trentaine en France. Une telle installation, comme une station de remplissage hydrogène à 350 bars, se chiffre dans les 475 000€, étude comprise, au minimum, mais peut grimper à plus d’un million d’euros.

Bien que potentiellement – encore – plus écologique que l’électrique, la voiture à hydrogène ne fait pas le poids en termes d’arguments face à sa concurrente principale. Du moins, en ce qui concerne les véhicules personnels. Elle coûte en effet plus cher, tant dans son achat que dans sa recharge. Pourtant, elle commence à séduire de plus en plus les professionnels, notamment les possesseurs d’utilitaires et autres poids lourds. Comment, alors, favoriser la transition écologique de la flotte de transport française grâce à l’hydrogène ?