A l’heure où l’automobile se “verdifie” de plus en plus, les batteries deviennent omniprésentes au sein de nos moteurs. Mais aussi essentielles soient-elles dans le processus d’une transition écologique des transports, les classiques lithium-ion, qui en représentent l’extrême majorité, ne sont pas exempts de défauts. Défauts continuellement évoqués par les détracteurs des véhicules électriques – et qui, en l’état actuel des choses, demeurent une épine dans le pied des ingénieurs. Bien que les VE émettent 77% de CO2 en moins durant toute son existence par rapport à un moteur thermique – selon une étude réalisée par T&E publiée en avril 2020 -, ces dernières émettent entre 5 et 17 tonnes de CO2 entre leur production, leur utilisation et leur recyclage (chiffres dégagés par l’agence suédoise pour la recherche et l’environnement).
Quelques problèmes se posent.
Principal point noir : l’extraction du lithium, métal alcalin que l’on retrouve principalement en Amérique du Sud (l’Argentine, le Chili et la Bolivie concentrant près de 60% des ressources mondiales), en Chine (27% des ressources mondiales), mais aussi en Australie et aux États-Unis. En découlent de nombreux problèmes de pollution des sols à cause des produits utilisés pour synthétiser le lithium, mais surtout de pillage des réserves d’eau au mépris de la population des régions lithiques. Il existe en effet deux techniques d’extraction du lithium : dans des mines, où il est alors nécessaire de mélanger le lithium avec de l’eau pour former une pâte compacte qui sera ensuite filtrée pour le séparer des débris rocheux qui l’entourent ; dans des zones aquatiques, où l’on va faire évaporer l’eau dans laquelle baigne la saumure de lithium avant, là-aussi, de le filtrer. Une tonne de lithium nécessite l’évaporation de 2 millions de litres d’eau. Il est donc plus que jamais nécessaire de découvrir de nouvelles techniques d’extraction du lithium, mais aussi d’autres substituts à ces bonnes vieilles batteries lithium-ion.
L’occasion d’évoquer un serpent de mer : les piles aluminium-air. Connues depuis les années 70 et un brevet déposé par l’US Navy pour une batterie aluminium-chlore, ce procédé est extrêmement simple sur le papier – et en même temps, suffisamment complexe pour ne pas avoir encore été déployé à grande échelle : une anode (électrode positive) en zinc repose dans un liquide électrolytique à base d’eau. L’air, qui joue le rôle de l’électrode négative, produit des ions hydroxyles lorsqu’il entre en contact avec la solution aqueuse. Ces derniers oxydent le zinc, libérant alors des électrons captés pour alimenter la batterie. Cette technologie présente de nombreux avantages par rapport à une li-ion classique. Bien que polluante, l’extraction de l’aluminium l’est moins que celle du lithium, et il est le troisième métal le plus communément retrouvé sur Terre. De plus, il serait possible de la décharger et recharger près de 7500 fois sans aucune perte des capacités, tandis qu’une lithium-ion classique dépasse difficilement les 1000 cycles, à condition de coupler une anode en aluminium et un cathode en graphite avec un électrolyte liquide ininflammable dans une couche polymère. Enfin, à taille équivalente, une batterie aluminium peut emmagasiner plus d’énergie qu’une batterie li-ion – et donc, avoir une autonomie plus importante. Selon les travaux d’un ancien scientifique de la Royal Navy, l’anglais Trevor Jackson, une batterie de volume comparable à celles qui équipent les Tesla permettrait de parcourir 2400 kilomètres en une charge. Un automobiliste français roulant en moyenne près de 13 000 kilomètres par an, il n’aurait à passer à la “pompe” que six fois.
Si Jackson dit être parvenu à ce résultat, c’est qu’il a trouvé la parade à l’un des gros défauts de la batterie aluminium-ion : la puissance délivrée a longtemps été trop faible pour pouvoir alimenter quelque chose dont la taille dépasserait celle d’une radio – à moins d’augmenter la taille du module. Et ce, à cause de la formation d’un “gel” issu de la réaction chimique anode/catode, qui empêche la totalité des électrolytes d’atteindre la cellule. Une “recette secrète” qu’il garde précieusement pendant qu’il tente depuis le début des années 2000 de réunir des fonds pour sa société Métalectrique.
Une solution en suspens.
Pourquoi est-ce qu’un procédé qui semble si révolutionnaire reste donc voué à ne pas devenir plus qu’une petite start-up immatriculée en France suite à des refus de financement de la part du Gouvernement Anglais en 2005 ? Et ce, alors que la compagnie Russe Rusal produit de l’aluminium n’émettant aucun Co2 au cours de sa fusion – optimal pour ce genre de batterie – et que diverses autres structures – comme la start-up Israëlienne Phinergy – tentent d’ajouter leur pièce à l’édifice ? On peut supposer que la prépondérance des batteries lithium-ion, dont l’efficacité n’est plus à prouver depuis la sortie de la première Tesla en 2008, y est pour quelque chose, d’autant plus que les problématiques évoquées au début de cet article sont plutôt récentes. Les li-ion sont d’ailleurs au centre de toutes les innovations, de tous les programmes de recherche et de toutes les attentions des constructeurs. Tout l’écosystème est de plus prévu pour cette motorisation qui nécessite une simple recharge, et donc la construction de bornes, là où la alu-ion demande de changer l’entièreté de la batterie quand celle-ci est vide. Ce qui, selon Jackson, ne demanderait “que quelques secondes”. Seuls Lotus et Nissan, avec son programme Beyond Lithium Technology, se sont brièvement laissé tenter par les recherches de Trevor Jackson. Peut-être que les pénuries de lithium annoncées dans les prochaines décennies permettront à son procédé de décoller ? Rien n’est moins sûr.