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Un RER pour chaque métropole, est-ce concevable ?

Considéré comme l’un des modes de transports les moins polluants, le train a totalement sa place dans la transition écologique. Pourtant, à l’heure où le gouvernement annonce sa volonté d’ouvrir un réseau express régional dans une dizaine de métropoles, il est nécessaire de se pencher sur la viabilité de cette mesure, à travers plusieurs enjeux.

Dimanche 27 novembre. Par le biais d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron annonce vouloir « développer un réseau de RER, de trains urbains, dans les dix principales villes françaises ». Ils ne les nomment pas mais elles pourraient être Lyon, Marseille-Aix, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nice, Nantes, Toulon, Douai-Lens et Strasbourg. Pour un chef de l’État qui assume croire  « à fond au train » dans sa stratégie de transition écologique, cette initiative menée de concert avec la Première Ministre Elisabeth Borne peut parfois interroger. Voire faire tiquer certains, comme Le Figaro qui titrait le même jour  « RER en province : la galère des banlieusards bientôt dans toute la France ? ». Ce n’est pourtant pas une nouvelle lubie du gouvernement. Dès la Loi d’Orientation des Mobilités, votée en 2019, on prévoyait « la réalisation de projets de RER métropolitains ». Une volonté “ancienne”, donc, qui devra répondre à différents enjeux pour être pleinement viable.

Pour alléger l’ardoise financière, réhabiliter les lignes anciennes plutôt que d’en construire de nouvelles

Avant même de se pencher sur l’intérêt et les contraintes que devront respecter ces hypothétiques RER régionaux, il est nécessaire de se poser une question cruciale : combien coûte la construction d’un réseau de trains de banlieues ? Cher. Le prolongement du RER E coûtera par exemple plus de 5,6 milliards d’euros, 700 millions au-dessus des estimations. Un projet de RER Lyonnais varierait entre 1,4 et… 7 milliards d’euros. Plutôt que de faire sortir de terre des lignes flambants neuves, il pourrait être financièrement plus adéquat de réadapter les dizaines de milliers de kilomètres de tracés anciens, héritage d’une période où le train était encore un moyen de transport primordial peu importe la distance, avant l’arrivé du tout-voiture dans les années 1960.

Sur les près de 70 000 kilomètres de voies ferrées françaises avant 1950, dont plus de 20 000 kilomètres de voies d’intérêt local, seuls  9 252 kilomètres sont aujourd’hui ouverts au trafic de voyageurs. Publié en février 2020, le rapport Philizot indiquait qu’à l’horizon 2030, les besoins financiers visant à développer l’infrastructure des petites lignes se situeront à hauteur de 7,6 milliards d’euros. Seuls 1,2 milliards ont déjà été engagés par l’Etat. Un investissement pourtant absolument nécessaire dans une optique de transition écologique ; lui qui permettrait de réadapter ces dessertes à la fois locales et inter-régionales aux standards actuels, tant en termes d’écartement – de 1000 à 1435mm selon les motrices – que d’électrification des voies, de sécurité et de vitesse.

Proposer une offre attractive et incitative

Pour faire de cette offre une alternative crédible aux autres transports urbains et à la circulation automobile, il sera essentiel de garantir “des trains fréquents toute la journée, toutes les demi-heures, voire tous les quarts d’heure aux heures de pointe”, pour citer le rapport Philizot. Il faudra aussi offrir aux usagers une information fiable sur les conditions de circulation, qu’on parle de retards, de pannes ou de tout autre désagrément pouvant engendrer une perte de fiabilité du réseau. Là se situe le nœud du problème : et si la pire publicité possible aux RER métropolitains était leur contrepartie parisienne ? Une ligne comme le RER B, avec ses 86% de taux de fiabilité sur l’ensemble de l’année 2021 (source : Île-de-France Mobilités), est en effet connue comme étant un cauchemar pour certains de ses usagers. Alors que 40% des Français “estiment aujourd’hui ne pas disposer d’un accès facile et rapide au réseau de transport local” (source : SNCF Réseaux), l’enjeu va aussi être de désenclaver les “zones rurales et peu denses mal connectées aux centres urbains”, une façon de renforcer la cohésion territoriale.

Une intermodalité avec les autres modes de transports

Enfin, il sera envisageable d’aménager les zone d’attraction urbaine en  « étoiles métropolitaines du réseau ferroviaire » – pôles accueillant gare centrale et systèmes de mobilité citadins tels que des véhicules verts en free-floating, vélos, trottinettes, tramways, bus… Une offre de transports disponible dans des hubs à proximité des gares et des besoins locaux, fonctionnant grâce à une offre de billets communs permettant un coût pour l’usager moins élevé que s’il avait eu à prendre son véhicule personnel. Une occasion en or de privilégier les déplacements verts et vertueux. Mais le chantier du RER urbain ne fait que commencer.