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Accompagner la transition

2022, bilan d’une année de chamboulements et d’annonces pour les mobilités décarbonées – Deuxième partie 

Le gouvernement redouble d’annonces et de signaux pour encourager les Français à faire leur transition vers les véhicules électriques, et construire une filière nationale capable de soutenir la demande. Passage en revue des changements qui façonneront le secteur en 2023. 

l'année 2022 du point de vue de la mobilité

Réglementation européenne, intensification de la crise écologique, concrétisation des ZFE, hausse du prix du pétrole… Les signaux se sont additionnés cette année en faveur d’une décarbonation urgente de nos modes de transport. En réponse, le gouvernement Français a multiplié les annonces d’aides financières pour pousser les Français vers l’électrification et l’adoucissement de leurs mobilités. Aucun plan national n’a néanmoins été établi pour prioriser ou matérialiser les étapes vers une France aux transports verdis, et capable de répondre à sa propre demande en véhicules électriques.  

Première annonce significative : alors que le bonus écologique devait baisser à 5000 euros en 2023, une hausse a finalement été annoncée par Emmanuel Macron en octobre. La prime à l’achat d’une voiture électrique est ainsi portée à 7000 euros “pour les 50 % des Français qui gagnent le moins”. C’est-à-dire les familles dont les revenus annuels ne dépassent pas 21 000 euros, selon l’Insee. Elle pourrait néanmoins baisser de 1000 euros pour les autres. La prime à la conversion, en échange de la mise au rebut d’un véhicule bientôt interdit à la circulation, est elle maintenue au même niveau. 

Environ 1,3 milliards seront ainsi injectés via le budget 2023 dans les “aides au verdissement du parc automobile”, suite au vote du Parlement le 15 décembre. Parmi ce que ce montant financera, un projet de “leasing social” de voitures électriques. Toujours dans l’idée de convaincre les Français que l’électrique est accessible à tous, ce projet inédit en Europe répond à la promesse du candidat Macron, qui annonçait l’accès à la voiture électrique “pour 100 euros par mois”. 

Plus de 300 millions seront également consacrés au déploiement de stations de recharge publiques haute puissance sur le territoire. Le but est d’atteindre 100 000 points de recharge publics en 2023. Un peu plus de 70 000 existent actuellement, et 3000 nouvelles sont installées chaque mois, selon le gouvernement. Le taux réduit de TVA à 5,5% pour l’installation d’une borne de recharge privée est également maintenu, ainsi que le un crédit d’impôt de 300 euros maximum par installation. 

Électrique c’est bien, propre c’est mieux : l’indispensable Loi d’accélération des énergies renouvelables 

L’électrification des transports, combinée à l’abandon du pétrole, n’est tenable qu’associée à une très forte hausse de la production d’énergie renouvelable. Mais la France est encore loin de ses objectifs. En novembre, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé à contrecœur à l’Assemblée le mauvais score français : “Nous devrions avoir 23% du mix énergétique en énergie renouvelable, nous n’en avons que 19%”, a-t-elle admis. La France devra ainsi s’acquitter de 500 millions d’euros de compensation pour acheter « des mégawatts statistiques à l’Italie et à la Suède », afin d’atteindre le quota d’énergies renouvelables fixé par l’Union européenne. 

L’hydrogène, espoir vain pour les transports ?  

L’accélération des investissements dans la décarbonnation des énergies donne aussi vie à une autre filière : celle de l’hydrogène vert, issu de l’électrolyse de l’eau. Certains espèrent le voir devenir un véritable carburant vert, mais les experts restent prudents sur ce point. “La pertinence de l’hydrogène pour les voitures individuelles est très limitée”, temporise Laurent Perron, chef de projet automobile au sein du Think Tank The ShiftProject. “Parce que sa production est très demandeuse en énergie, et son rendement énergétique beaucoup plus faible que les véhicules électriques à batteries, il serait plus pertinent de réserver l’hydrogène à certains usages de la mobilité lourde, mais surtout aux industries difficilement electrifiables comme la sidérurgie ou la pétrochimie, estime le spécialiste. La généralisation de la voiture à l’hydrogène, ça n’est donc pas pour demain”. 

Le développement de la filière hydrogène pourrait néanmoins permettre aux transports de bénéficier de l’électricité remplacée par l’hydrogène dans les autres secteurs, alors que le réseau électrique est en tension. À condition que l’hydrogène produit soit réellement vert : aujourd’hui, 95% de l’hydrogène français est produit à partir d’énergie fossile. Le gouvernement affiche justement l’objectif de faire de la France le “leader” de l’hydrogène vert, grâce au plan d’investissement France 2030. Environ 2,1 milliards d’euros ont été annoncés pour soutenir le développement de la filière. Cette enveloppe devrait aider une dizaine d’usines de production à sortir de terre dans les années à venir, comme les projets de méga-usines de Blanquefort ou de Marseille dont la mise en service est prévue dès 2023. Certaines seront directement reliées aux sites de production d’électricité renouvelable, comme cela pourrait être le cas avec la centrale photovoltaïque géante “Horizéo”. Situé dans les Landes, ce projet intègre une unité de production d’hydrogène directement nourrie par l’énergie des panneaux solaires. 

Développer la filière française de l’électrique, l’immense défi de 2023

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Même si la France parvient à tenir le rythme de la production électrique, un obstacle majeur se dresse néanmoins sur le chemin de cette ambition nationale et européenne. “L’accélération du déploiement des véhicules électriques se heurte actuellement à des problèmes de disponibilité, et à un problème d’accessibilité financière : on doit pouvoir produire des petites voitures électriques, qui ne coûtent pas cher. Or pour l’instant, l’offre n’existe pas, ni en France ni en Europe”, estime Laurent Perron. Plus de 80% des voitures électriques immatriculées en France sont importées, principalement de Chine. 

Début décembre, le Sénat à majorité Les Républicains a voté un amendement symbolique (non adopté à l’assemblée par la suite), réduisant de 500 millions le budget des aides à l’achat de voitures électriques en attendant que l’industrie automobile française rattrape son retard dans ce domaine. Objectif : ne pas “attribuer massivement des subventions à des véhicules produits à l’étranger à un moment où il nous est indispensable de relocaliser des usines de production et de développer une filière souveraine de véhicules électriques”, selon le texte.

La France et son industrie automobile devront donc prouver qu’elles sont capables de suivre le rythme pour mener à bien leur transition des transports. À la veille du salon de l’Automobile en octobre 2022, Emmanuel Macron a fixé comme objectif la production d’un million de véhicules électriques d’ici 2027 en France, deux millions d’ici 2030 et le passage au tout électrique en 2035. En 2021 la France a assemblé 1,3 millions de voitures au total, thermiques et électrifiées confondues. Pour aller dans ce sens, sur les 5 milliards d’euros du plan “France 20230” qui bénéficieraient à l’automobile, “un milliard est fléché vers les sous-traitants pour les aider à se diversifier et à changer de structure, car beaucoup d’entre eux sont sous-capitalisés et n’ont pas la taille critique”, a assuré le chef de l’État. 

Donner la priorité aux petites électriques accessibles 

“Aujourd’hui les constructeurs français et européens ont globalement délaissé le segment des petites voitures, et cela offre de grandes opportunités aux  constructeurs qui voudraient produire de petites voitures électriques pas chères”, pointe Laurent Perron. Il prévient néanmoins : “ Il n’est pas impossible que des constructeurs chinois, qui ont une avance significative sur la technologie électrique, l’approvisionnement et le raffinage des matières premières (cobalt cuivre …), se positionnent sur ce segment et gagnent le marché européen si nous ne développons pas vite nos filières”

Les sites de production se multiplient. En France, neufs nouveaux modèles électriques devraient sortir des usines Renault à partir de 2023. La future R5 devrait être la première à être produite dans l’usine de Douai (Nord) du pôle ElecticCity de la marque, suivie par les nouvelles R4 qui seront produites à Maubeuge (Nord). Stellantis fait aussi passer ses douze usines françaises à l’électrique, même si l’essentiel de ses voitures électriques (Peugeot e-208, Fiat 500e) sont pour l’heure produites en Slovénie ou en Italie. L’entreprise promet de son côté six nouveaux modèles électriques made in France dans les prochaines années. Les Hauts-de-France s’apprêtent également à accueillir dès 2023 la troisième méga-usine de batteries portée par la startup grenobloise Verkor, ainsi qu’une énorme usine de composants en aluminium destinés aux voitures électriques, gérée par le groupe Alteo. 

Après avoir longtemps été dominé par les électriques californiennes et futuristes du groupe Tesla, le marché des électriques neuves semble désormais évoluer en faveur des constructeurs français historiques. Entre janvier et septembre 2022,la Peugeot e-208 a été le plus immatriculée avec plus de 14 000 modèles, suivie par Dacia, Fiat, Renault puis Tesla, selon les chiffres de AAA Data. 

Les véhicules alternatifs ultra-légers, segment à explorer ? 

Parallèlement au développement de la production des électriques individuelles traditionnelles, des alternatives restent aussi à explorer cette année, selon Laurent Perron. “Les enjeux climatiques, les tensions d’approvisionnement en énergie et en matières premières doivent nous faire réfléchir à l’usage de la voiture individuelle, qu’elle soit thermique ou électrique. La fréquence et la distance de nos déplacements doivent être interrogées”, estime l’expert. En plus de l’encouragement aux mobilités douces comme le vélo, les transports en commun ou le covoiturage, les mini-électriques ultra légères “comme la Renault Twizy, ou la Citroën Ami, qui peuvent répondre à un grand nombre des usages périurbains ou même en zone rurale, sont de bonnes alternatives” juge Laurent Perron. Plus accessibles (en dessous des 10 000 euros), ces dernières pourraient aussi répondre à l’inégalité des foyers face au prix, pour l’instant toujours particulièrement élevé, de la voiture électrique.