La sobriété, clé de la décarbonation des transports
« Pas de neutralité carbone sans sobriété ». C’est avec ces mots que le rapport Prospective 2040-2060 des transports et des mobilités, publié par France Stratégie et le CGEDD (Commissariat Général à l’Environnement et au Développement Durable) ouvre son étude sur les moyens de déplacement qui nous concerneront dans 20 ou 40 ans. Quels que soient les scénarios envisagés, le dénominateur commun est toujours la sobriété. En clair, les évolutions technologiques et la conversion du parc existant vers des modèles non polluants ne suffiront pas à atteindre la neutralité carbone. En réalité, la décarbonation des transports n’est qu’une composante. La sobriété en est le complément indispensable.
Mais de quoi parle-t-on précisément lorsque l’on évoque le terme de sobriété ? Se dit un comportement sobre toute action qui fait preuve de modération, de réserve. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a publié en 2021 sa définition : « Dans un contexte où les ressources naturelles sont limitées, la sobriété consiste à nous questionner sur nos besoins et à les satisfaire en limitant leurs impacts sur l’environnement ».
En appliquant ces définitions au monde du transport, on peut aboutir à plusieurs pistes à poursuivre pour faire preuve de sobriété :
- Faire prendre conscience aux usagers des déplacements utiles et de ceux qui sont superflus pour prendre des décisions ;
- Encourager les mobilités actives (marche à pied et vélo) ;
- Déployer une offre de covoiturage attractive et rechercher un moindre « autosolisme » et une meilleure utilisation des véhicules;
- Aller vers une mutualisation et une massification des transports en commun ;
- Réduire le nombre et la longueur des parcours.
La sobriété concerne les usages concourant à réduire les émissions et les dommages environnementaux liés à la mobilité. Il s’agit d’une piste complémentaire aux solutions technologiques. Ainsi, ce sont les pouvoirs publics qui peuvent œuvrer sur ce volet en particulier. En faisant des choix tranchés en matière d’urbanisme, en prenant des décisions fortes en matière de transport, en incitant financièrement les particuliers comme les professionnels à changer leur approche.
Le rôle des politiques publiques en matière d’urbanisme et de sobriété des transports
La sobriété énergétique, et en particulier la sobriété en matière de transport, c’est le nouvel adage de nombreuses collectivités locales. Preuve de cette prise de conscience des pouvoirs publics, les Assises européennes de la transition énergétique 2022 avaient précisément pour thème la sobriété énergétique. Dans le but de faire face à la crise énergétique – et face aux risques de coupure et de rationnement avant l’hiver 2022/2023 – Elisabeth Borne appelle chaque entreprise à établir son propre plan de sobriété énergétique. Le mot n’a plus rien de tabou ou de polarisant. Au contraire, il prend aujourd’hui un sens nouveau, sorte de combinaison de bon sens économique et de réponse à l’urgence écologique. Alors, il doit trouver un prolongement en matière de transport également.
Pas facile à mettre en place ? Toutes les collectivités doivent travailler de concert pour se fixer des objectifs chiffrés. Hausse du report modal, objectif de taux de remplissage des véhicules, suivi du parc roulant et des motorisations visées, tout peut faire l’objet d’enjeux avec des incitations de la part des pouvoirs publics.
Une étude du territoire permettant de déterminer les solutions de mobilité partagées et les comportements à inciter est un préalable. Il existe aujourd’hui des cabinets de conseil composés d’équipes pluridisciplinaires avec une expertise forte sur la mobilité qui peuvent accompagner les décideurs publics. Une fois les leviers identifiés, les collectivités doivent passer à l’action en mettant en place une véritable sobriété structurelle qui accompagnera le changement des comportements. Sobriété structurelle ? Oui, ce sont les systèmes de transport et les façons d’habiter l’espace qui doivent évoluer pour encourager la sobriété individuelle et collective et transformer durablement les comportements. Organisation des lignes de transport en commun, étalement urbain, valorisation des transports, les pistes explorées sont variées. Miser sur d’autres aspects que l’évolution technologique et l’efficacité énergétique, c’est aujourd’hui voir plus loin, et ne pas se préoccuper seulement de la décarbonation. Les pouvoirs publics ont tout à gagner à se lancer dans ce type d’action : il existe en effet des co-bénéfices qui peuvent découler de cette sobriété en matière de transport. Diminution de l’accidentologie, de la dépendance à l’automobile ou de la sédentarité, la sobriété est synonyme de positif !